Témoignages – Ñolo Kristof Hassan

Témoignages – Ñolo Kristof Hassan

Une œuvre forgée dans la marge

Dans un monde qui fait du sale, Ñolo Kristof Hassan fait propre. Pas par posture, mais par fidélité à l’âme. Témoignages, ce n’est pas un album, c’est une traversée. Un cri forgé dans les squats, les caves, les ronces et la lumière. Un projet qui refuse les singles, les plans promo, les filtres marketing. Ici, il ne s’agit pas de vendre. Il s’agit de résister.

Après 15 ans de petites scènes avec le groupe F.I.R, Ñolo se lance en solo avec un album viscéral et sans concession. Un album qui refuse les étiquettes et célèbre les parcours cabossés, les cultures métissées, les âmes sincères.

“C’est une œuvre d’art, pas un produit marketing. Alors si je dois me planter, autant le faire avec classe.”

On comprend vite que ce disque n’est pas une collection de morceaux, mais une narration cohérente, où chaque son est une étape, une fissure ou une éclaircie. « Parcours tordu », titre d’ouverture, dresse le cadre. Loin d’être tordu, ce parcours est écorché, sincère, vivant.

« Sainement enragé par amour pour l’humanité. C’est la même lutte qui suit son cours depuis des éternités. Ne laissez pas parler la peur, s’il vous plaît, tendez l’oreille. Ici, la parole est au peuple, on la respecte, chacun y veille. On veut qu’elle circule, on veut surtout qu’elle se réveille. Créatrice et sacrée, car au départ était le Verbe. »

Une parole debout, malgré les broyeuses

Au fil des morceaux, on croise la douleur, le rejet, la colère, l’abandon. Mais on y lit aussi la lutte, le lien, la mémoire, la foi. Ñolo ne cherche pas à performer, mais à témoigner :

Discret, distant, quasi-autiste dont on ne sait dire la détresse. Plus tard, pisté par la police, tu sais, cet âge où tout se teste. Des yeux sauvages, des ventres avides, des cœurs à vif, des vies complexes…

 

À 40 ans, Ñolo incarne une époque où la mixité n’était pas une menace mais une équation complémentaire. Son parcours fait d’errances, de fugues, de doutes et de lumières habite chaque rime, chaque souffle. 

« La broyeuse » en est un sommet. Il y dénonce l’école disciplinaire : « Même ton humeur faut réguler, pendant 8 heures faut pas bouger. L’cul sur une chaise rester posé, écouter le maître sans t’opposer. » Le salariat déshumanisant : « Devenir objet sans réflexion, un simple outil de production. Par la fenêtre y a l’évasion, voyage interne, libération. » La vieillesse isolée : « Vaincu, seul et las, mémoire sciée, effet de l’âge psychiatrisé. Comme un saccage d’identité, noyée dans la masse et méprisée. »

Une triple alarme sur les broyeurs successifs du système. Et pourtant, la rage ne dévore jamais la dignité. La lucide volonté de rester debout persiste.

Une écriture brute et poétique

Ñolo rappe comme on respire quand on a été privé d’air. Pas d’artifice, pas de pose : juste du feu et de la foi. Ses textes mêlent urgence politique, blessures intimes et images puissantes.

Dans « Pas d’avatar », il signe une déclaration paternelle d’une rare intensité. Le morceau décrit, sans pathos, le combat quotidien pour être un père digne.

Gardez toujours le sens du respect, de toutes ces choses qui ne peuvent pas s’acheter : le courage, les valeurs, la dignité. Et restez justes, quoi que ça puisse coûter. Sont complices du mal ceux qui se taisent. Face aux injustices, faut pas qu’on s’abaisse.

Dans « Fort » : « Un monde plastifié aux valeurs inversées, où le réel est abstrait et l’artificiel est concret ». On entend un poète de la dissonance sociale.

Sa poésie est celle des pavés, des soirs sans repères, des silences pleins. Il rappe pour élever l’âme, toucher l’esprit, et témoigner d’un vécu que l’on ne trouve ni dans les manuels, ni dans les playlists formatées.

Mes silences en disent long et mes mots sont ciselants. D'apparence distant mais d'émotions ruisselants.

Une lucidité solaire

« Floria » enchaîne les atmosphères : douce, intime, puis résiliente. « Bombe le torse et ça passe au mental ». « Solidaires » dévoile un lien collectif sans angélisme : « Solidaires pour niquer nos vies ».

Et dans « On s’relèvera » : « On laissera pas passer la mise à mort du libre-choix ». La posture est claire : dignité, liberté, transmission.

« Traces », dernier titre, referme le disque comme un souffle…

Poussière sous mes sandales ne put salir cette démarche pure. Je poursuis ce voyage dans cette enveloppe, à mon allure. Nos corps ? Des temples pour nos âmes. La vie est grande, surpasse les murs.

Une fin dépouillée, lumineuse, prière à peine dite : « Que mes traces ici-bas ne me laissent aucun tracas ».

Conclusion

Ceux qui cherchent une parenté artistique peuvent penser à des figures comme Keny Arkana, Oxmo Puccino, Le Rat Luciano ou même Georges Brassens. Ñolo ne copie personne, mais incarne une filiation rare : celle des artisans du verbe et des éclaireurs de marges.

Témoignages, c’est la parole d’un homme qui a fait de la poésie un acte de résistance. Un album brut, exigeant, lumineux. Un projet qui assume de ne pas être formaté, parce qu’il est forgé au feu du réel. Ñolo Kristof Hassan ne cherche pas à plaire, il cherche à toucher, à élever, à guérir.

Et il y parvient.

Au final, regarde, il a plu sur le château de sable. Parce que depuis très tôt, pas stable, passé du gosse sauvage à l’adulte qui pète des câbles. Encerrado como un loco en mi soledad !

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