Les Chiens de l’Ombre
Refuge, espoir et rédemption
Fondée par Karim Mokhtari, ancien détenu devenu auteur et acteur social, l’association Les Chiens de l’Ombre est bien plus qu’un refuge. Elle incarne une trajectoire marquée par la rédemption et la volonté de tendre la main aux plus vulnérables. De la prison à l’engagement citoyen, Karim a choisi d’incarner la seconde chance, non seulement pour les hommes, mais aussi pour les animaux rejetés et condamnés. Ce chemin s’inscrit dans un triptyque associatif cohérent : avec Carcérópolis, en tant que vice-président, il contribue à « voir les prisons autrement » via une sensibilisation réaliste et citoyenne ; via 100 Murs, dont il est directeur des programmes, il travaille à la gestion de la violence et la formation de la jeunesse. Les Chiens de l’Ombre en est l’aboutissement symbolique : un espace où la médiation animale devient un levier concret de réinsertion et d’humanité.
Les chiens catégorisés comme levier d’accompagnement
L’association accueille et réhabilite des chiens en grande détresse, issus de l’abandon, de la maltraitance ou classés dangereux. Rejetés par la société et promis à l’euthanasie, ils trouvent ici un refuge et une nouvelle chance de vivre dignement. Le choix assumé de travailler avec ces chiens stigmatisés en fait de véritables partenaires de médiation. Leur présence confronte les jeunes à la peur, au rejet, mais aussi à l’espérance d’une seconde chance. Nourrir, soigner, instaurer une relation de confiance développe responsabilisation et rigueur. Dans ce face-à-face, chacun apprend à poser un cadre, canaliser ses émotions et comprendre que la confiance se mérite.
Une pédagogie de la constance et du cadre
De cette rencontre naît une pédagogie concrète. Le projet se veut aussi pédagogique et social : sensibiliser le grand public à la cause animale, lutter contre les préjugés liés aux races, transmettre des valeurs de respect, patience et résilience. L’association reflète le parcours de son fondateur : transformer une image stigmatisée en une histoire de renaissance. Travailler avec ces chiens exige patience, répétition et constance. Des qualités rarement valorisées chez des jeunes en rupture mais qui reprennent ici tout leur sens : répéter un geste, instaurer une routine, accepter l’échec, recommencer. Cette pédagogie du cadre, fondée sur stabilité et cohérence, devient un exercice de responsabilisation et une préparation concrète à la réinsertion sociale.
Une médiation éducative qui transforme
Chaque chien bénéficie d’un travail individualisé : soins, socialisation, éducation comportementale. L’objectif n’est pas seulement de les protéger, mais de leur permettre de retrouver une relation apaisée avec l’humain et, si possible, d’être adoptés. La relation créée devient un espace d’apprentissage implicite. Le jeune ajuste gestes, ton et posture. L’animal, par son immédiateté et son absence de jugement, agit comme miroir : il révèle la cohérence entre intention et comportement. Cette interaction favorise la régulation émotionnelle, développe l’empathie et renforce l’estime de soi. Chaque progrès devient une victoire personnelle transférable à d’autres sphères de vie.
De l’animal à l’humain : retisser des liens
Peu à peu, le travail avec le chien s’élargit. Le refuge porte un message clair : ce qui est rejeté peut être sauvé, ce qui est brisé peut être réparé. Les chiens, comme les hommes, méritent d’être accompagnés plutôt que condamnés. Chaque sauvetage devient un symbole de réconciliation entre violence et douceur, abandon et accueil, rejet et intégration. Au-delà du lien avec l’animal, c’est la relation au groupe et aux adultes qui évolue. La co-responsabilité autour des chiens ouvre une dynamique de solidarité. Le jeune retrouve une place valorisée dans un collectif, apprend à coopérer et à partager des réussites. L’animal agit comme médiateur, mais la réhabilitation du lien humain reste l’horizon.
Un projet à impact social fort
Ces expériences nourrissent une ambition sociale plus large. Installée dans la Sarthe, l’association a conquis de nombreux soutiens locaux. Mais son objectif dépasse le cadre régional : Les Chiens de l’Ombre veut devenir une référence nationale en matière de refuge, de réhabilitation et de plaidoyer pour les chiens catégorisés. Elle ne sauve pas seulement des animaux : elle sauve aussi des trajectoires humaines. L’association incarne une pédagogie sociale où l’animal devient catalyseur de reconstruction. La dimension éducative est omniprésente : responsabilisation, identité retrouvée, ouverture au monde.
une passerelle entre deux réhabilitations
En conjuguant réinsertion animale et humaine, Les Chiens de l’Ombre montre que la fragilité peut devenir force et que des parcours cabossés peuvent se transformer en leviers d’accompagnement. La médiation animale n’est pas anecdotique : c’est un outil éducatif puissant, capable de réparer des destins et de redonner une place dans la société à ceux qui l’avaient perdue. À travers ce projet, Karim Mokhtari prouve qu’une initiative née d’une expérience personnelle peut transformer le regard collectif. Les Chiens de l’Ombre n’est pas seulement un refuge, mais une cause à défendre, un modèle de résilience et d’engagement.
Rédemption
Itinéraire d'un enfant cassé
Né en 1978, Karim Mokhtari a passé une grande partie de sa vie dans les bras des institutions françaises. De douze à dix-sept ans, il connaîtra trois foyers d’éducation spécialisés, puis, de dix-huit à vingt cinq ans, plus de quinze établissements pénitentiaires. Condamné à dix ans de réclusion criminelle, il en purgera finalement un peu plus de six. A sa sortie, en 2002, il rejoint les Ateliers sans Frontière, une association de réinsertion par le travail, avant de devenir, aujourd’hui, un acteur engagé dans le changement qu’il espère pour le monde carcéral.
Né en 1983, Charlie Carle a vécu un parcours aux antipodes de celui de Karim. Pourtant, au-delà de ces différences, depuis leur rencontre en 2008, c’est une profonde amitié qui unit les deux personnes. Cette confiance réciproque a permis à Karim, pour la première fois, de raconter toute sa vie sans rien transformer, ni rien cacher. Pendant deux ans, à travers des centaines d’heures d’enregistrement, Karim se livre, et Charlie transpose son récit sur le papier.